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Cinéma & dramas

Madame Freedom : un classique de 1956

2022-02-09

Séoul au jour le jour


Dans la suite de notre série consacrée aux films qui ont marqué l'histoire du cinéma sud-coréen, continuons par « Madame Freedom » de Han Hyeong-mo sorti en 1956. Même s'il est adapté d'un roman local à succès, le film est rempli de références à la France : du célèbre roman de Flaubert « Madame Bovary » à la chanson de Prévert et Costa « Les Feuilles mortes » que l'on entend tout au long du final. Nous sommes aux lendemains de la dévastatrice guerre de Corée mais pourtant les affaires continuent...


* Bovarysme

L'intrigue de « Madame Freedom » tourne autour d'un couple dont le mari est professeur et la femme, mère d'un petit garçon, cherche un emploi. Et oui : l'occidentalisation qui bat son plein a ramené l'idée saugrenue que les femmes pouvaient aussi travailler même en étant mariée et mère. Scandale dans la Corée de l'époque ? Pas tant que ça si on se souvient d'un film comme « Sweet Dream - Mimong » de 1936 qui déjà « bovarisait » les épouses parfaites coréennes. Bref, « Madame Freedom » va plus loin, en fait, car le mari n'est pas en reste. Si l'épouse cherche la liberté dans le travail et en flirtant avec un étudiant rebelle installé dans la maison voisine (flatteur, il dit n’accepter d'ordre que d'elle), le mari court les jupons de ses anciennes étudiantes. Evidemment, ce sera la femme qui sera condamnée par la morale pour son bovarysme mais moins sévèrement que celle de « Mimong » en 1936 qui y laissait la vie comme la célèbre Emma Bovary.


* Modernité

Ce qui surprend dans ce film de l'après-guerre de Corée, c'est la modernité joyeuse de toutes les situations et de leurs décors urbains. D'emblée, le couple frivole est donné comme un couple autrefois amoureux, donc issu d'un mariage libre et non d'un mariage arrangé par les familles comme c'est la coutume (pas de belle-mère à charge non plus). L'épouse prend un job dans une boutique nommée « Paris » orientée vers la mode occidentale. Elle va même troquer son Hanbok traditionnel pour une robe Chanel ou Dior. L'horreur, quoi ! Mais la culture c'est aussi le jazz, le mambo que découvre l'épouse en suivant l'entreprenant mari de sa patronne à la boutique. Elle est agréablement surprise de voir que les couples qui dansent ne sont pas mariés ! Bref, c'est la fête d'après-guerre et l'embourgeoisement à l'occidentale à tous les niveaux.



* Nouvelle société

La Corée du Sud de l'époque est sous le contrôle de l'USAMGIK, l'armée américaine installée un peu partout dans le pays. Le cinéma s'en ressent, car comme au Japon, il doit vanter la réussite capitaliste et faire oublier à la fois les luttes politiques d'avant-guerre et la misère d'une grande partie de la population dans une ambiance joyeuse et libre. « Madame Freedom », malgré son final aux « Feuilles mortes », remplit bien son rôle. Si la musique est française, l'utilisation très chic de l'anglais notamment pour dire « I Love you » sert à caractériser une nouvelle classe bourgeoise sud-coréenne qui vient d'accéder finalement au pouvoir. Le luxe n'est pas absent comme les bijoux des dames que fréquente le mari de la patronne, un ami devenu très proche de l'épouse du professeur. Côté visuel, la morale est sauve : pas de baisés plein écran ni de coucherie, mais personne n'est dupe. Tout semble reposer sur le fiston du couple. Il est, en effet, totalement négligé par ses parents. Il interviendra cependant en faveur de sa mère lorsque son mari la mettra à la rue. 


* Courte renaissance

Malgré son côté propagande pour la modernité bourgeoise à l'américaine, « madame Freedom » reste un témoignage sur l'époque. Son contrepoint viendra quelques années plus tard, en 1960, avec le célèbre « Obaltan » de Yu Hyun-mok qui remettra les pendules à l'heure en exposant une réalité moins idéologique et plus fidèle à la réalité d'alors. Ces deux films ont néanmoins profité d'une sorte de courte renaissance du cinéma local après 1953 – qui revenait après celle de 1945-1950 – avant de s'éteindre à nouveau avec le coup d'état de 1961.

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