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Cinéma & dramas

Le monde de Sophie suffit

2022-03-16

Séoul au jour le jour


Quelle surprise que de voir ce célèbre titre « Le Monde de Sophie » pour un film indépendant sud-coréen. Le jeune réalisateur Lee Jae-han (attention à ne pas confondre avec l'autre Lee Jae-han) part, pour son premier film, de bien loin et, malgré toutes les difficultés rencontrés par le cinéma indépendant local, est parvenu à montrer son film au dernier festival de Busan en octobre et aujourd'hui à le sortir en salle en phase de sortie des restrictions anti-pandémiques. Qu'en est-il ?


* Pas vraiment une adaptation mais...

Il est certain qu'en arborant le titre du célèbre livre du norvégien Jostein Gaarder publié en 1991, on s'attendait à en voir une adaptation. Il en existe d'ailleurs déjà plusieurs. Ce roman philosophique ou ce méli-mélo de philo pour les nuls avait été vendu à plus de 40 millions d'exemplaires et traduits dans plus de langues que n'en compte le monde. La fameuse version en chinois avait d'ailleurs été amputée du chapitre consacré à une mièvre étude de Karl Marx. On ne peut pas être prophète dans son pays ami, c'est connu. Bref, « Sophie's World » de Lee Jae-han n'est pas vraiment une adaptation du bouquin, mais il garde quelque chose de son errance et de sa vacuité derrière des plans qui sont censés en dire long et des mélodies pianistiques qui n'en disent pas plus.


* L'univers de Sophie

Disons-le d'emblée, le réalisateur dit s'être amusé avec son équipe pendant les dix jours de tournage. Dommage qu'on n'y participe pas lorsqu'on voit le film. Ce n'est pas nouveau comme contradiction, le cinéma français est en la preuve constante. L'idée du film est de prendre une occidentale qui voyage pour voir son frère aux Philippines. Mais voilà : elle doit faire étape et séjourner quatre jours à Séoul avant de repartir. Elle séjourne à Bukchon près du mont Inwang dans le Nord de Séoul, entre le tunnel Sajik et la porte de l'indépendance (Dongnimun). Belle vue en perspective, donc. Elle est logée chez un couple de sud-coréens, dont la femme, Soo-young, n'est autre que l'actrice Kim Sae-byeok, et l'homme, Jong-gu, est interprété par Kwak Min-gyu. Mais ce n'est pas tout : deux ans plus tard, Kim Sae-byeok retrouve les photos de cette période, et la nostalgie la guette. Une telle situation demandaient des explications. Le réalisateur, dans plusieurs interviews, explique que le personnage de Kim Sae-byeok s'aperçoit alors que ses sentiments deux ans auparavant ne sont pas les mêmes que ceux ressentis au moment où elle se souvient du passé. Le jeune cinéaste Lee Jae-han ajoute que l'idée du film lui est venue de la vision d'Inwangsan ou mont Inwang. De la fenêtre de sa maison, il voyait la montage. Il a alors grimpé la montagne et il a vu la maison. Cette révélation, du niveau du roman pataphysique de Jostein Gaarder, fut un choc pour lui. Surtout que sa maison lui a semblé de loin plus petite. Bref, le film a donc été tourné chez lui.



* Ana Ruggiero et la montagne

Après avoir été un employé d'une société de production indépendante pendant huit ans, Lee Jae-han s'est mis à son compte : l'indépendance de l'indépendance, donc. Le jeune homme est connu pour plusieurs court-métrages remarqués. Et ce n'est pas la première fois qu'il tourne avec l'actrice Kim Sae-byeok. Il est clair que le film est tourné vers elle, pour lui laisser le temps de jouer en profondeur son personnage. C'est le cas lors d'une dispute du couple à propos de la maison. Le réalisateur insiste sur ce lien presque magique entre la montagne et les habitants du coin. La jeune femme occidentale jouée par l'actrice et modèle brésilienne Ana Ruggiero (un peu enlaidie pour l'occasion) est, dans tout ça, un prétexte à suggérer l'altérité, le différent. Elle ne peut pas comprendre la symbolique du mont Inwang ; un lieu bien connu pour être une base d'observation de la police militaire locale, à la fois pour surveiller les arrivées suspectes du Nord, et pour lorgner en douce sur la ville de Séoul elle-même et ses quartiers agités.



* Misère du cinéma indépendant

On l'aura compris : le film joue avec les clichés du cinéma indépendant sud-coréen. Ces clichés sont largement à mettre sur le dos des films du réalisateur Hong Sang-soo. Citons par exemple, les mélopées oiseuses au piano (Hong les compose lui-même depuis peu, et elle sont donc plus simples) ; l'esthétique du noir et blanc vidéo ; les longs plans pleins de vide ; les mouvements de caméra qui semblent en dire long ; et une sorte de pseudo-naturalisme dans le jeu. Mais le pire, peut-être, vient du côté thérapeutique, du côté tisane de camomille qu'on voudrait refiler aux spectateurs ; des spectateurs qui sont souvent des spectatrices comme le suggère tout l'attirail aux couleurs fanées des affiches et autres posters de la promo du film. Mais de quoi souffrent donc ce public de films indépendants pour qu'on lui serve des mièvreries et du cinéma laxatif ? Il est plus probable de voir là l'ambition de s’engouffrer sur la brèche ouverte par Hong Sang-soo dans les festivals internationaux. La présence de Kim Sae-byeok, actrice de Hong également, va dans ce sens. Mais le réalisateur vétéran et sa muse sont-ils déjà prêts à laisser la place ? Rien de moins sûr.

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