« Ciel, Vent, Etoiles et Poèmes », recueil de poèmes de Yun Tong-ju traduits par Kim Hyeon-ju et Pierre Mesini, paru aux éditions Autres Temps en 1997.
* Présentation du poète :
Les traducteurs du recueil Ciel, Vent, Etoiles et Poèmes surnomment Yun Tong-ju « Petit Prince » de la littérature coréenne contemporaine. Voici leur explication : « ‘Petit Prince’, Yun Tong-ju l’est par la rapidité sur la planète Terre. Il est mort à 28 ans ! Petit prince, il l’est encore par sa quête : quête de lui-même, quête d’‘un tout autre pays natal’. Tel le Petit Prince lors de son passage sur notre planète Terre, Yun Tong-ju fut un déraciné : Coréen, il naît en Mandchourie, hors de son pays. Ses études se sont déroulées à droite et à gauche, à la merci des circonstances. Et c’est, hors de chez lui, hors de son pays, dans les geôles japonaises, qu’il mourut. Du Petit Prince, Yun Tong-ju avait aussi la curiosité. Il était curieux de tout : de la vie, de la nature, des gens, des bêtes, de connaissance universelle. Du Petit Prince, enfin, il posséda la fragilité, lui, ‘sensible au seul bruissement même du vent dans le feuillage’, meurtri par l’Histoire sur l’autel de laquelle il deviendra ‘victime immolée’. »
* Poèmes
Un tout autre pays natal
La nuit où je revins au pays natal
Ma carcasse me suivant nous nous sommes étendus dans la même chambre.
La chambre sombre est ouverte sur l’univers
Et, serait-ce du ciel, comme une voix, le vent souffle.
Dans l’obscurité j’observe
Ma carcasse finement érodée par le vent
Ce qui verse des larmes est-ce moi qui pleure ?
Est-ce ma carcasse qui pleure ?
Est-ce ma belle âme qui pleure ?
Un chien fidèle
Toute la nuit hurle aux ténèbres
Le chien qui hurle à la nuit
Ce doit être pour me chasser.
Allons, allons
Comme un homme pourchassé, allons
A l’insu de ma carcasse
Allons vers un tout autre splendide pays natal.
Autoportrait
Contournant le coin de la montagne, parvenu seul à un puits isolé au bord de la rizière,
Je regarde tranquillement le fond.
Au fond du puits la lune brille, les nuages défilent, le ciel se déploie,
Le vent d’azur souffle. Tiens ! L’automne est là.
Et puis il y a un gars.
Allez savoir pourquoi, ce gars-là le prenant en grippe je m’en retourne.
Chemin faisant je réfléchis : ce gars-là est à plaindre.
Revenu sur mes pas, je regarde le fond, le gars est toujours là.
Le prenant de nouveau en grippe je m’en retourne.
Chemin faisant je réfléchis : ce gars-là me manque.
Au fond du puits la lune brille, les nuages défilent, le ciel se déploie, le vent d’azur souffle : tiens ! L’automne est là et, tel un souvenir, il y a le gars.