Regardez l’avion d’Ahn Chang-nam haut dans le ciel

Regardez l’avion d’Ahn Chang-nam haut dans le ciel, regardez le vélo d’Eom Bok-dong sur la terre.

La phrase ci-dessus fait partie des paroles d’une chanson largement chantée par les Coréens sous la domination coloniale du Japon. Adaptée d’une très célèbre chanson populaire « Le chant de la jeunesse », elle a joui d’une grande popularité pendant une longue période.

Le premier pilote coréen à avoir volé dans le ciel de Séoul, Ahn Chang-nam, et le héros cycliste Eom Bok-dong, inspiraient de la fierté à leur peuple opprimé.

Grand précurseur dans le ciel

Né à Gyeongseong, aujourd’hui rebaptisé Séoul, en 1900, Ahn perd sa mère à l’âge de quatre ans. Qui plus est, son père s’éteint quand il a 15 ans. Forcé de quitter le lycée, n’ayant plus personne pour payer ses frais de scolarité, il part pour le Japon en 1919.

Alors qu’il est encore au lycée, il assiste à une démonstration de vol acrobatique de l’Américain Art Smith. Depuis lors, il rêve de voler librement dans le ciel, c’est pourquoi il décide de travailler pour le fabricant d’avions Akabane, après d’abord avoir fréquenté l’Ecole de l’automobile d’Osaka au Japon. En 1920, il entre à l’Ecole de l’aviation Okuri pour enfin apprendre le pilotage.

Brillant élève, il termine le cursus qui se déroule en général sur six mois en seulement trois mois. De plus, l’école engage ce jeune diplômé comme professeur. En mai 1921, il se présente au premier concours organisé par le Bureau japonais de l’aviation pour passer son brevet de pilote. Le seul candidat coréen est reçu premier à l’examen, ce qui lui permet d’obtenir une licence de pilote professionnel de première classe.

Le premier pilote coréen à survoler la péninsule coréenne

Lors d’une interview avec un quotidien japonais, Ahn exprime son espoir de créer, un jour, une école d’aviation en Corée afin de former de jeunes pilotes. Il annonce également son plan de bientôt survoler son pays d’origine.

Mais ce n’est qu’en décembre 1922 que le projet d’Ahn Chang-nam obtient l’autorisation du gouverneur général japonais de Corée car ce dernier se méfiait de tout événement qui risquait d’attirer une grande foule dans la péninsule depuis le mouvement d’indépendance du 1er mars 1919. Ahn, qui a terminé premier dans une compétition de pilotage en novembre 1922 et durant laquelle les pilotes ont volé d’Osaka à Tokyo, commence à préparer le vol au-dessus de son pays natal. Le 10 décembre, il effectue un vol d’essai historique à Yeouido à Séoul.

Environ 50 000 habitants de Séoul, dont la population est estimée alors à 300 000, se réunissent pour regarder le vol d’Ahn Chang-nam. Quand son avion « Geumgang » avec la carte de la Corée présentée sur sa surface s’élève de terre, les spectateurs laissent éclater leur joie en applaudissant et en félicitant le pilote.

Voler pour l’indépendance

Alors que le succès de son projet donna de l’espoir et de la fierté aux Coréens, Ahn Chang-nam éprouvait des sentiments mitigés. Dans un article paru dans la revue coréenne « Gaebyeok », il écrit ainsi :

« Le ciel de Gyeongseong ! Le ciel qui m’embrassera toujours chaleureusement ! Après la manifestation à Yeouido, j’ai dirigé mon avion vers l’Arc d’indépendance. Je crois qu’on pouvait me voir voler depuis la prison de Seodaemun, mais je me demande combien de personnes ont pu comprendre mon intention et ce que de j’ai ressenti. »

Déterminé à se consacrer au mouvement indépendantiste, il va en Chine en décembre 1924. Il ne ménage pas ses efforts pour la libération de son pays avec la ferme conviction que ses compétences aéronautiques y serviront utiles. Il rejoint un groupe antijaponais et donne une somme d’argent énorme dans le but d’établir une académie de l’aviation. Malheureusement, il est mort dans un accident d’avion lors d’un vol d’entraînement en avril 1930. C’est ainsi que le rêve du pilote de 29 ans se termine.

Au-delà du titre de « premier pilote »

Ahn a longtemps été connu comme premier pilote du pays du Matin clair. Toutefois, ce titre n’est plus valable aujourd’hui, car il est avéré que plusieurs pilotes formés aux Etats-Unis par le militant indépendantiste Roh Baek-rin avaient pris leur brevet un an plus tôt.

Pourtant, Ahn est sûrement le premier pilote coréen à avoir survolé le ciel coréen, donnant ainsi une immense fierté à ses compatriotes pendant la sombre période coloniale.