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Cinéma & dramas

« Asura », film de prison de femmes

2023-08-30

Séoul au jour le jour


Le sous-genre de films de prison de femmes a eu ses heures de gloires dans le cinéma mondial. De « 99 Women » de Jesus Franco à « Female prisoner 701 » de Ito Shunya, la liste serait longue. Mais le sous-genre reste très rare en Corée du Sud, qui ne compte que peu de films de prisons mêmes masculines. Voici que « Asura » signé Yoo Yeo-chang (à ne pas confondre avec l'excellent thriller « Asura : City of Madness de Kim Sung-su »), nous en donne une version dans le style de la série « Orange is the New Black » sous tranquillisants. Voyons cela de plus près.


* Prison quand tu nous tiens
Cela commence dans une prison de femmes tout ce qu'il a de plus banal comme on en trouve au coin de la rue. Murs gris, matons en bleu et pyjamas oranges pour les belles prisonnières. Notons d'emblée une concession aux codes du sous-genre : les femmes gardent leurs coiffures mondaines et leurs cheveux longs voire leurs maquillages d'actrices. Citons, au passage, quelques unes des actrices de série B qui défilent ici : Jo Ji-seung en roublarde sexy ; la pulpeuse Jung Young-joo, qui du haut de ses 52 ans tient la dragée haute aux gamines du casting, et Ahn Min-a, elle aussi une soutière des dramas et de quelques films sans envergures. Bref, les voilà qui s'insultent - le principal intérêt du film - et se mettent quelques coups vachards, sous les yeux goguenards du directeur de la prison. On comprend vite qu'il s'agit d'une remise en question des leaders du lieu, du côté des filles comme des matons. Voilà qu'arrivent les scènes de corruption habituelles et un groupe de taulards qui laisse présager les pires orgies mais, non : tout finira pour le mieux dans la meilleure des prisons ; et on se demande bien pourquoi.


* Asura dans le sous-genre
Le cinéma sud-coréen nous a donné quelques films de prison qui méritent d'être évoqués en regard de « Asura ». Le plus original, le plus spécifique des films de prison sud-coréen, devenu un film culte est une film politique. Il s'agit de « The Road Taken » de Hong Ki-seon en 2003. La référence au célèbre poème de Robert Frost n'est pas anodine, car il s'agit de l'histoire vraie du plus vieux prisonnier politique du monde, un communiste coréen enfermé pendant 42 ans qui refusa toujours de renoncer à ses idéaux. Le film, à très petit budget, se déroule dans sa cellule jusqu'à son élargissement et ses retrouvailles avec sa vieille mère. 

L'un des derniers films de prisons, dans un tout autre style mais dans le registre sérieux a marqué le retour raté de la star Han Suk-kyu en 2017. Avec « The Prison » de Na Hyun, on retrouvait tous les clichés du sous-genre : bastons, corruption, rivalités des chefs, etc, mais en pure décoration et sans enjeu. La comédie mélo avait plus de succès notamment avec « Miracle in Cell N°7 », en 2013, et sa vision infantilisante du milieu carcéral. 

On retrouve encore cette même vision édulcorée dans « 2037 » de Mo Hong-jin en 2022. On est à deux doigts d'envier les taulardes sud-coréennes baignant dans leurs bons sentiments de façade. « Asura » tente pourtant de revenir aux films purs et durs du sous-genre notamment l'action, l'aliénation, l'injustice et la cruauté.


* Références et Metoo
« Asura » ne comportent que peu de scènes d'action. Une première baston entre femmes dès le début puis quelques altercations mi-comiques mi-sérieuses mais bien loin des classiques du film de prisons de femmes. L'aspect historique et politique y a longtemps dominé notamment avec le célèbre « Two Thousand Women » de 1944 sur les prisonnières de la Seconde guerre mondiale. Mais l’inénarrable Jesus Franco a vraiment donné ses marques au film de prison de femmes avec « 99 Women » en 1969. Ce succès est lié à l'introduction de thèmes spécifiques comme le lesbianisme, le travail dégradant, les vêtements sexy, les rites d'initiations et le harcèlement pervers des matons. Le tout étant chapeauté par l'innocence criante de certaines des prisonnières ; ce qui ramène le sous-genre à une critique des prisons et de la justice de classe sexiste. Ce dernier point est important car, opposé à la sexualité hétéro-normée, ces films annoncent le mouvement Metoo au cinéma. L'actrice Kaji Meiko, par exemple, à travers son personnage de prisonnière récalcitrante dans les films comme « Female Prisoner 701» et « Female Convict Scorpion » 1, 2 et 3 est devenue une égérie du mouvement féministe. 

Les cinéastes italiens renforceront l'idée que la prison est un lieu de perversion reflétant la folie de la société et la schizophrénie congénitale des humains, notamment à travers le traumatisme indélébile du nazisme. Citons par exemple « Gestapo's Last Orgy » en 1977 et « Révolte au pénitencier des filles » de Bruno Mattei en 1973. Ce dernier film pouvant être la référence essentielle de « Asura » bien qu'il ne reste rien de sa violence gore grand-guignolesque. Ce sera peut-être pour la prochaine fois.

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